"En vélo, les gens me disent bonjour" l'itinéraire de Stéphane, vélotafeur de Castellane aux Aygalades

Par un jour de pluie battante, nous retrouvons Stéphane Chevé dans son atelier de fumage, au cœur des Aygalades. Avec son sac de livreur sur le dos, évoluant entre les frigos et les caisses, il incarne l’âme artisanale de Maison Matthieu — une maison qui fume le poisson avec passion et précision. Vélotafeur convaincu, Stéphane troque chaque jour les embouteillages contre un bol d’air et de rencontres à vélo, dans des quartiers Nord vivants. Son trajet lui offre bien plus qu’un gain de temps : un sas de décompression mais aussi une manière de rester ancré dans le territoire. Rencontre.
Qu'est-ce qui t'a fait choisir le vélotaf ? C'est quoi ton « déclic vélo » ?
Le degré de stress inutile lié au déplacement en voiture. Pour un temps de trajet équivalent, j'ai échangé un parcours stressant contre un parcours de plaisir, de détente et de bien-être.
Au début, j'ai essayé le scooter parce que la voiture c'était stress et incertitude sur le timing. Mais le scooter, c'est dangereux et moralement discutable. Je suis tombé deux fois et j'ai cassé le scooter. Cette semaine-là, j'ai pris mon vélo de course pour venir travailler et je me suis dit "mais c'est génial !". Ce sont des itinéraires que je n'aurais même pas osé faire en voiture. Je ne mets pas une minute de plus - allez, une minute de plus - et j'arrive en forme, content. Ça m'a fait un sas de décompression entre la maison et le travail, c'est super.
Qu'est-ce qui te plait dans ce mode de déplacement ? C'est quoi tes petits bonheurs à pédale ?
La relation avec les gens est complètement transformée. Les gens sont sympas quand on est en vélo, surtout une fois qu'on a passé la Porte d'Aix. Les gens dans les quartiers nord accueillent le vélo avec amusement et enthousiasme. Je n'ai pas de journée où, sur un des deux trajets, je n'ai pas des enfants qui applaudissent, ou des voitures qui s'arrêtent au feu vert pour me laisser passer. Alors que quand on est dans une voiture, la relation par défaut c'est une relation d'hostilité.
Un lieu/un point de vue/un bâtiment/un paysage que tu as découvert à vélo dans les quartiers Nord ?
Pour les beaux points de vue : le soleil qui se lève dans la Porte d'Aix, c'est pas mal quand on monte dans un sens ou dans l'autre. Je suis très sensible à l'architecture plutôt qu'à l'aspect naturel. Je suis parfois frustré de ne pas voir la mer - c'est fou parce qu'en regardant l'itinéraire, je longe la mer tout le long et à aucun moment je ne la vois !
Quand j'ai envie de me faire plaisir, je prends un petit détour : au niveau de la tour CMA CGM, je pars sur les quais jusqu'au Mucem. Là j'avoue, c'est vraiment un kiff, et ça m'arrive de le faire une fois par mois facilement.
Une anecdote, un truc inédit qui t'est arrivé en vélotaf ?
Je n'ai pas d'expériences désagréables à raconter franchement. Une fois, à cause des routes chaotiques qui vibrent et secouent, la sangle de mon sac à l'arrière a cédé et mon ordinateur s'est envolé, a fini sur la route. Je m'en suis rendu compte parce qu'au feu rouge d'après, il y avait un mec qui courait avec mon ordinateur pour me rattraper et me le rendre ! Vraiment, ce sont des expériences comme ça, très positives.
Comment le vélotaf influence ta vie pro ?
Ça m'oblige à être beaucoup plus organisé. Pour faire ce trajet à vélo c'est possible, mais si j'ai oublié un produit d'entretien et qu'il faut que j'aille faire un saut chez Métro pour acheter de l'eau de javel, c'est moins drôle ! Ça m'oblige à bien prévoir les approvisionnements et l'organisation pour ne pas avoir besoin de la voiture.
Comme je fais ce trajet tous les jours, j'ai une grosse caisse rouge de livreur Uber Eats (de l'époque où ils avaient des vélos). Parfois, quand j'ai une commande à côté de chez moi ou sur le chemin, je vais livrer moi-même plutôt que d'envoyer un livreur faire une tournée alors que ça ne me fait pas de détour.
En tant que vélotafeur, qu'est-ce que tu attends de ton employeur pour te faciliter le trajet ?
J'aurais plutôt tendance à encourager le vélo. Ce qu'on peut faire, c'est accompagner l'entretien et la maintenance des vélos, parce que dès qu'on utilise un peu régulièrement un vélo, ça a vraiment besoin d'être vu régulièrement et ça peut vite être un poste de dépenses et une contrainte. En tant qu'employeur, on pourrait prendre en charge l'entretien du vélo ou trouver des solutions avec un atelier.
Sur place, il faut avoir un pied pour pouvoir mettre le vélo dessus, de quoi dégraisser une chaîne, remonter un pédalier, et une prise pour recharger sa batterie pour ceux qui viennent en vélo électrique.
[Note : Stéphane a appris à entretenir son vélo à la Recyclerie Sportive, qui propose des formations et des créneaux d'auto-réparation accompagnée]
Qu'est-ce qui rendrait ton trajet plus agréable aujourd'hui ?
Un peu de temps de cerveau de la part des autorités publiques qui sont responsables de ma sécurité. Je pense que les budgets sont là, les contraintes réglementaires sont là, mais spécifiquement - pour avoir un peu voyagé ailleurs - chez nous, les gens qui ont été en charge du sujet n'ont pas fait le job.
Des infrastructures mieux pensées dans leur globalité, de la continuité cyclable.
Au carrefour de la Porte d'Aix, qui est cauchemardesque en termes d'aménagement - je pense que c'est conçu pour tuer les cyclistes ! La piste cyclable passe dans l'arrêt de bus, c'est surréaliste. On est obligé de se prendre pas mal de bosses et d'entrées de trottoir. À Marseille, les arêtes de trottoir sont flippantes car la pierre de Cassis est très belle mais hyper glissante.
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Acteur majeur dans le développement économique et territorial de Marseille Nord, le réseau redéfinit l’avenir des quartiers nord de Marseille. Né de la fusion entre deux réseaux historiques : Entrepreneurs en Zone Franche et Arnavant, Marséa Nord Développement (anciennement Cap Au Nord Entreprendre) fédère les entreprises, agit pour la transformation et l’attractivité du territoire et défend les intérêts des acteurs économiques auprès des décideurs.